À l’occasion du 50ᵉ anniversaire du festival international de la BD d’Angoulême, Junji Itô faisait son grand retour au festival depuis sa première arrivée en 2015. Pour célébrer sa nouvelle venue : une exposition permettait de découvrir (ou redécouvrir avec un œil nouveau l’univers de l’auteur. Il s’ensuivra une masterclass en son honneur, des conférences autour de la collection et de la traduction de ses œuvres proposées par Mangetsu. On découvrira surtout un auteur d’une générosité et d’une sympathie profonde. L’auteur, étant présent pendant toute la durée du festival, j’ai pu avoir l’opportunité de m’entretenir avec ce dernier.
© Junji Itō/ Mangetsu
L’interprétation et la traduction est réalisée par la traductrice-interprète Miyako Slocombe,
© By Junji Ito 2019 ASAHI SHIMBUN PUBLICATIONS INC.
À la suite de longues années de pause et la réalisation de La Déchéance d’un homme, Junji Itô explore les vastes intrigues de l’univers qui occupe sans cesse notre imaginaire. En s’immergeant dans ces grandes étendues cosmiques, l’auteur rencontre quelques difficultés à retranscrire la fascination qu’il a pour ces thématiques. La réalisation de Zone Fantôme incite l’auteur à opter pour une méthode de travail privilégiant davantage les retours avec son éditrice. L’association de cet apport éditoriale, du temps mis à disposition et de la liberté qu’offre le format numérique. En effet, la prépublication des histoires de Zone Fantôme a permis une construction optimale de ces récits.
Le passage aux dessins numériques donne de nombreux outils à Junji Itô permettant de gagner en vitesse et en précision. Le format de prépublication, ne disposant d’aucune limitation de pages, il apporte une grande liberté et soulage l’auteur. Libéré des contraintes propres au format papier, l’auteur jouit d’une nouvelle expérience créative lui permettant de dessiner tout ce qu’il souhaite. En explorant de nouveaux horizons narratifs, Zone Fantômes procure une expérience de lecture inédite dont les planches reflètent la reconnaissance et le plaisir de l’auteur de l’utilisation de ce format.
© by ITÔ Junji / Asahi Shinbun
Nouvelles obsessions et thématiques de cœurs
Zone Fantôme explore de nombreuses thématiques. On y retrouve des sujets chers à l’auteur, certaines obsessions que Junji Itô continu d’explorer en nous guidant dans des lieux qui nous sont familiers à force de le suivre. L’amour, les limites de la perception humaine, le symbolisme du regard, le rapport au corps et à la folie, la perdition. Zone Fantôme permet d’observer avec un certain recul l’évolution stylistique et scénaristique de l’auteur. On y découvre aussi, avec son histoire Maudite Madone où on suit le périple de Marie dans une école catholique, une nouvelle fascination chez Junji Itô : celle pour la religion et la mythologie chrétienne.
© by ITÔ Junji / Asahi Shinbun
Junji Itô est un faiseur de légendes urbaines, de mythologies et des figures horrifiques qui les constituent. L’inconscient et les rêves font partie de ces concepts continuant sans cesse d’occuper les pensées de l’auteur. Léthargie et un rêve sans fin font partie de ces histoires retranscrivant à merveille ces thèmes que Junji Itô désire continuer d’affiner et d’explorer de nouvelles manières de les traiter.
© by ITÔ Junji / Asahi Shinbun
Les récits de Junji Itô s’imprègnent donc de notre imaginaire et mais avant tout du sien, mais aussi de la réalité, du monde qui l’entoure, des rencontres et des paysages qu’il affectionne. Son retour en France lui a permis de se ressourcer au sein du panorama ancré en profondeur dans sa mémoire. De Paris à Marseille, puis Angoulême. L’histoire et l’esthétique de ces paysages continuent de laisser une empreinte importante dans son univers.
Miyako Slocombe qui accompagne Junji Itô tout au long de son séjour souligne le programme chargé depuis l’arrivée du maître. Néanmoins, l’ambiance chaleureuse venant de la part de Mangetsu, Junji Ito, de son équipe et des lecteurs sont un bonheur de chaque instant pour la traductrice-interprète.
Junji Itô et Miyako Slocombe © PiAi
Adaptations littéraires et la place de l’humour dans les œuvres de Junji Itô
ITOH JUNJI KYOFU MANGA COLLECTION © JUNJI ITO/THE ASAHI SHIMBUN COMPANY
Plus qu’une adaptation de cette figure fantastique intemporelle, Frankenstein est une œuvre à part entière des créations de Junji Itô. Étant déjà familier avec le monstre Frankenstein par la réalisation culte de James Whale et de l’acteur Boris Karloff, laissant une marque indélébile dans la rétine de Junji Itô. L’auteur se plongea dans les écrits originels du roman de Mary Shelley, dont deux aspects primordiaux influencèrent son futur récit :
Pour accentuer la figure de la femme du monstre de Frankenstein Junji Itô imagine avec la plus grande des attentions la manière de la concevoir : un assemblement de morceaux de chair recueillis dans des tombes, la tête du monstre en provenance de la domestique, un personnage important de l’intrigue qui fût condamnée malgré son innocence. L’auteur constatera plus tard que Kenneth Branagh avait aussi fait le choix d’intégrer la femme du monstre dans sa vision de Frankenstein. La destruction et la déformation du corps est un symbole souvent aux racines des créations de Junji Itô, la pierre angulaire de ses racines est la peur intérieure de l’auteur. Quelle répercussion pourrait-il avoir si son propre corps connaissait le même sort que ses nombreux personnages ? Une peur profonde, vibrante à travers ses œuvres et dont cette dernière a toujours un lien étroit avec la folie, la démence tirant vers l’humour. À l’image d’un groupe d’amis se narrant des histoires d’horreurs pour se faire rire, une variation de ton bien connue dans l’idée et l’imaginaire collectif.
TOMIE © Junji Ito/ASAHI SONORAMA Ltd.
Le body horror mécanique
© by ITÔ Junji /
Parmi les figures intemporelles siégeant à jamais dans l’imaginaire : Alien réalisé par Ridley Scott et scénarisé par Dan(iel) O’Bannon. Le body horror, sous-genre de l’horreur, arbore de multiples apparences. Et celle proposée par la vision d’Alien en a marqué plus d’un. Junji itô fut particulièrement fasciné par les travaux du plasticien Hans Ruedi Giger et l’aspect très mécanique du body horreur. Les images de ces créatures nées de cet artiste continuent de résonner chez l’auteur…
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GYO by Junji ITO © 2002 by Junji ITO/SHOGAKUKAN Inc.
Gyo de Junji Itô s’intéresse à cet aspect du body horror. À l’origine, le design des créatures prenant possession des animaux et individus devait avoir une allure plus mécanique. Cependant, afin d’intensifier la sensation que le lecteur fait face à des êtres vivants au cours de sa lecture. L’auteur décide finalement de leur donner un corps plus mécanique. Un choix créant un sentiment de mal-être continu qui ne fait que s’amplifier et déranger le lecteur.
© by ITÔ Junji / Asahi Shinbun
Cet entretien a été réalisé aux côtés d’Alice de comixtrip, Julian de Manganews et Antoine boudet de comicsblogs. Je remercie Stéphanie Moennard, Sullivan Rouaud ainsi que l’ensemble de l’équipe de Mangetsu pour la mise en place de cet entretient. Et enfin, mes sincères remerciements au travail immense réalisée par Miyako Slocombe dont je ne cesserais d’en rester admiratif. Et enfin auprès de monsieur Junji Ito pour sa disponibilité, sa sympathie et sa bienveillance.
Merci pour ce petit article traitant de Junji Ito !
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Merci pour ce très intéressant retour!
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De rien et merci à toi de l’avoir lu c’était très chouette de discuter avec lui. Une vraie crème
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J’imagine toutes les personnes qui l’ont rencontré disent que c’est une personne très douce et agréable
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